Indépendance, économie et autorité.

Les cahiers de la librairie

Indépendance, économie et autorité.

Par Christian Thorel, librairie Ombres blanches

Texte extrait des Cahiers de la librairie, n°5 - Le livre à l'ère du numérique

Revenons au texte, que nous observerons dans trois états. Un état gazeux, produit d’un projet, d’un chantier, un work in progress aux contours indéfinis, inachevé, inabouti, en cours de validation… Cet état de production ne quitte l’écran de son auteur que pour cheminer dans le Net, guidé par les moteurs de recherche ou par les réseaux d’information spécialisée. Ou pour errer peut-être dans l’éther des connexions, dans l’éternisation d’une attente. Ce brouillard infini de productions est déjà l’empire des millions d’écritures qui le forment. Régi par Google et MSN.

Un état liquide est l’étape suivante. Celle d’une validation par une instance éditoriale et dont la forme finie, celle d’un fichier téléchargeable pour ordinateur, pour papier électronique, pour e-book, trouvera son adresse dans le catalogue de l’éditeur, sa diffusion et sa commercialisation Internet (ou à des bornes professionnelles, en librairie par exemple).

Il n’est pas interdit au livre « liquide » d’accéder au troisième état, celui de livre papier. C’est à l’éditeur qu’incombera la décision de ce passage. Comme lui aura appartenu celle d’enrichir son catalogue par la production de livres papier et d’en transformer à l’inverse une partie en fichiers numériques exportables.

[…] Dans les deux états liquide et solide, les limites sont posées par l’auteur et validées par l’éditeur. Ces limites tempèrent les effets de la mutation anthropologique engendrée par le numérique en préservant, en gelant en quelque sorte les caractères constitutifs de l’oeuvre. Ainsi que l’écrit Joël Ronez : « L’avenir du livre ne se trouve pas dans sa capacité à devenir liquide, téléchargeable ou numérique, mais dans le rang qu’il saura tenir comme dépositaire d’un contenu nourri d’une exigence tierce, et dont la conjugaison de ce dernier élément avec une création produit de la valeur. »

[…]Si c’est dans ces deux états que l’on trouve les livres d’aujourd’hui, ceux de demain (après-demain est décidément bien trop loin) auront une forme bien voisine. Tout se jouera donc dans les proportions entre livres papier et fichiers téléchargeables. Sans oublier le devenir d’autres supports, la nature et l’ergonomie du papier électronique, la capacité es ordinateurs (doublera-t-elle encore tous les deux ans ?). L’enjeu majeur reste dès lors la capacité du livre papier à résister.

Via remue.net