Un bon conseil : prends la Trabant et tire-toi !

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Photo de Cathy Cat Rastler

Un happening est organisé le 15 mars à la galerie Odile Ouizeman , à l’occasion du lancement de l’ouvrage Mai 68 en revues, publié à l’IMEC, dans la collection Pièces d’archives et de l’ouverture de l’exposition de Cathy Cat Rastler .

Ce sera l’occasion d’y croiser Caroline, amie et auteur de l’ouvrage. Caroline nous propose sur D-fiction, son blog-atelier, cette citation extraite de l’ouvrage :
La société de consommation a plus de séductions que de défenses ; lui faire la guerre exige qu’on se fonde sur un engagement personnel, un style de vie et des solidarités permanentes.
Mai 68 : l’insurrection de la jeunesse », Esprit, juin-juillet 1968
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Couverture de l’ouvrage
L’événement que fut la révolution de 68 a suscité nombre de débats et de polémiques dont les questionnements demeurent, quarante ans après, largement d’actualité (réforme institutionnelle, faillite de l’université, chômage des jeunes, fracture sociale, rejet du capitalisme, etc.).
C’est d’abord dans les revues que l’écho tumultueux de ce soulèvement a lieu. L’ouvrage présente un choix de près de quarante articles ou textes issus de revues connues de l’époque (Esprit, L’Internationale Situationniste, Les Temps modernes, Archibras, Tel Quel, Action poétique, Opus international, etc.) mais également de revues moins connues et pourtant toute aussi importantes au regard de leur participation au débat (Défense de l’Homme, Raison présente, Défense de l’Occident, La Tour de feu, etc.).Mai 68 en revues est la plus importante anthologie jamais encore publiée d’articles et de textes de revues culturelles devenus « mythiques ». Nous pensons notamment à celui de Debord et de ses amis de L’Internationale Situationniste comme celui de Michel de Certeau dans Etudes ou bien encore les articles anonymes de la dernière revue du mouvement surréaliste L’Archibras, et qui fut la première revue littéraire à soutenir le mouvement de Mai 68.
Le sommaire de l’ouvrage est ici
L’ouvrage est en librairie. Les données commerciales de l’ouvrage sont ici.

Les mythogrammes

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Docu-fiction : Les [vraiment] Modernes
Episode 3 : Les mythogrammes
Date : mars 1968

Mise en garde préalable :
Les petites archives [disponibles] de la librairie se visitent de bien des façons.
Documents d’époque ou voix volontairement arrachées à leur milieu d’origine, ces traces éclairent [ici ] la singulière partitition amusée de melico.

Quelques réflexions sur l’avenir du livre,
par J. V.M. [Mars 1968].
Bulletin des libraires

Un français sur cinq est à l’école. Félicitons-nous de cette fièvre d’apprendre dont notre profession, qui touche de si près aux choses de l’esprit, doit naturellement bénéficier. Même si cette soif de savoir ne traduit en fait que la recherche de diplômes monnayables, il faut penser que le livre demeurera l’élément , non pas unique, mais privilégié et nécessaire, le véhicule indispensable des notions qu’il faut acquérir.

Peut-on pour autant en conclure que l’avenir du livre est assuré ? Nous le pensons, mais il conviendrait pourtant de nuancer, de se montrer prudent. En tou cas, s’il est vrai de dire avec Valery que l’homme avance vers l’avenir à reculons, je pense aussi qu’un retour en arrière, un bref regard sur le passé, pourrait éclairer notre route, en nous faisant mieux saisir, en quelque sorte par le dedans, une évolution qui risque de décevoir certains.

La pensée de l’homme, nous dit le professeur Leroi-Gourhan, s’est d’abord exprimée par la parole, puis s’est doublée par la pensée, fixée d’abord par le moyen de mythogrammes, puis de l’écriture.

Pendant une courte période commencée au XVIII e siècle et aujourd’hui sur son déclin, la perspective d’une alphabétisation planétaire, a pu apparaître comme l’équivalent de la promotion sociale et intellectuelle ; or, dès le XIX e siècle, le mythogramme est réapparu, sous la forme de la bande dessinée. la Radio et la Télé ont completé avec le Cinéma ce retour à la littérature orale et à l’information visuelle. La conservation de la pensée est conçue désormais autrement que dans les livres. Faut-il penser avec Leroi-Gourhan que l’écriture est appelée à disparaître rapidement, remplacée par des appareils dictaphones à impression automatique ? Le libraire en tout cas aura toujours la ressource, conjointement avec le photographe et le Drugstore, de vendre des bandes magnétiques vierges – équivalent du papier blanc de naguère- ou encore des jetons de Juke Box.

Qu’en est-il au juste ? Sans doute ne vais-je pas me payer le luxe d’évoquer les statistiques navrantes dont la « Voix de l’édition » s’est fait l’écho récemment. L’adulte nous le savons de source sûre, lit peu, et les rares lectures qu’il s’offre sont le plus souvent – en dehors des prix littéraires, prévendus qu’elle qu’en soit la qualité – le résultat d’une incitation publicitaire.

Jusqu’en ces dernières années, l’enfant – ce consommateur-roi- était notre consolation, notre espérance, nos lecteurs « potentiels » comme dit le jargon professionnel. Or chacun sait que des lecteurs potentiels sont précisement des gens qui ne lisent pas, et qui, dans le climat actuel, ont de moins en moins de chances de venir au livre.

D’ailleurs, dans le monde d’aujourd’hui, il n’y a plus ni enfants ni vieux : il n’y a plus que des jeunes … et des gâteux.

Mais à quoi bon poursuivre ?

Le livre est l’instrument privilégié de la libération sans cesse inachevée de la personne humaine. Mais pour qu’il demeure ce que nous voulons qu’il soit encore, encore faut-il des libraires conscients de leur mission : entretenir la flamme, apporter à tous cette nourriture intellectuelle. Encore faut-il que les libraires en aient les moyens matériels.