De la Grande Galerie à Amazon

Il n’est pas toujours évident de comprendre comment les idées ou les images s’associent, chemin faisant.

Josquin Debaz et moi même réalisons le 26 mars 2008 un entretien avec René Thomas, au 28, rue des Fossés Saint Bernard, dans la librairie qu’il a fondée en 1947 initialement implantée dans le Pavillon Roland Bonaparte du Museum d’Histoire Naturelle au Jardin des Plantes. Je reviendrai en détail sur cette aventure humaine et la manière dont René Thomas a développé un fonds unique, en Europe attaché aux Macrolépidoptères et Microlépidoptères, à la connaissance des succulentes et Xérophytes du monde, aux Saxifragacées…

Ses clients : les mammalogistes, ornithologistes, carcinologistes, ichtyolgues et conchyliologistes de France et de passage.

Un soir de l’hiver 1961, René Thomas reçoit dans son magasin un vieil homme sans domicile fixe à la recherche de livres d’occasion sur les plantes. Qu’il trouvera à la librairie. Mais en errance dans les rues de Paris, il ne peut ni lire ni transporter ses livres. Il mettra en dépôt l’ensemble de ses biens (trois valises) à la librairie.

Celle-ci devient son point d’ancrage. René Thomas lui propose un bureau au centre de la librairie afin qu’il puisse y étudier tranquillement. On imagine aisement René Thomas 2.0 lui proposant un ordinateur avec connection Wifi.

Vers la fin de sa vie, André Ruez s’endormait régulièrement. Et il ronflait. Ce qui surprenait les clients. « J’eus l’idée de mettre en route des enregistrements de chants d’oiseaux pour couvrir le bruit des ronflements ».

Et de la fonction sociale du champs des oiseaux. Diffusés pour protéger un homme du regard d’autrui. Bien loin des musiques d’ambiance des lieux de nature et de découvertes…

L’histoire se poursuivra durant vingt années. André disparaîtra fauché par une voiture, un jour d’été….

Fin de la bande son.

Et d’interroger, au delà de l’anecdote, ce qui (a) fait Lieu, en cette librairie. Une question centrale dans les rencontres que nous initions.

Comment des savoirs en viennent-ils à faire corps et à faire lieu, à être partagés dans des collectifs, à organiser des territoires

En visitant la Grande Galerie, le dimanche 5 avril après midi, j’aperçois à l’entrée de l’exposition sur le premier Calmar plastiné au monde, un vieil homme installé en lecture, journaux et livres éparpillés autour de lui. Fantôme d’André Ruez.

Réminiscence de la librairie du Museum disparue, remplacée par un magasin d’objets dérivés. Laissant l’homme, en dehors, à la marge, au bord du Lieu de savoir.

Le Calmar plastiné est un animal vrai. C’est à dire autrefois vivant, terrifiante bestiole du fond des mers, invitée là elle aussi au bord de son existence (avatar ou parodie), chose de plastique pigmentée.

Et d’apercevoir à la section des Espèces Disparues, dans le recoin du Cabinet de curiosité, les tomes IV et V de cette aventure défunte : The travel on the Amazon

Amazon, condamné

Le livre [transporté] et la loi Lang

 

 

Extrait du communiqué du Syndicat de la Librairie Française
Condamné à 100 000 euros de dommages et intérêts, Amazon doit cesser les frais de port gratuits et la pratique des chèques cadeaux à peine d’astreinte de 1 000 euros par jour de retard, passé le délai de 10 jours à compter de la signification du jugement.

Cette décision survient après le jugement de première instance et l’arrêt d’appel favorables au SLF dans son action contre le site Alapage.fr (qui s’est pourvu en cassation) pour les mêmes raisons : la condamnation de la pratique des frais de port gratuits.

Le SLF a fondé ses actions sur le respect de la loi du 10 août 1981 sur le prix unique du livre (dite loi Lang), votée à l’unanimité par le Parlement. L’objectif du SLF est de veiller à l’organisation des pratiques nouvelles pour que les sites Internet respectent la lettre et l’esprit de la loi.

Il faut bien prendre conscience de l’importance du réseau de libraires « physiques », de leur rôle de soutien à la diversité par la mise en scène sur leur table des richesses éditoriales cachées par l’écran des « meilleurs ventes ».

Le SLF rappelle que la vente à perte est assumée par ces opérateurs dans l’objectif de capter des parts de marché ce qui déstabilise un marché déjà fragile. C’est une attitude prédatrice qui se révèle dangereuse et totalement contradictoire avec l’esprit de la loi sur le prix unique du livre qui vise à maintenir la diversité et la création culturelles.

communique-amazon-dec-2007.doc

jugementcomplet_amazon_11_12_2007.pdf

 

melico ouvre deux dossiers [le livre transporté] et [ la Loi Lang] . Cette loi, souvent évoquée par le prisme de l’ édition et/ou de la librairie doit être replacée au coeur des dispositifs d’attention et de valorisation des Lecteurs de création, quels qu’ils soients .

Nous avons demandé à Noémi Rivet en charge des dossiers juridiques du SLF de nous rendre compte des réactions des clients d’Amazon au courrier de Monsieur Garambois et reçues au syndicat. Chacune de ces réactions nous permettra d’approndir notre réflexion.

Enfin, nous ouvrirons le dossier sur la Loi Lang par la mise en ligne de l’intégralité des cahiers consacrés à cette loi.

En lien avec le dossier sur le livre transporté, nous vous invitons à suivre très attentivement les résultats attendus des actions de la coordination des indépendants en vue de la baisse des tarifs postaux appliqués au livre et pour tous.