Un soir à la réception

Chronique Les livres – Vues d’ailleurs

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Longtemps, Noëlle a été libraire. Elle travaille aujourd’hui à la réception d’un hôtel de Bourg-en-Bresse, pied à terre des représentants de l’édition quand ils passent par ce bout de France où subsistent encore quelques libraires singulièrement indépendants. Libraire, Noëlle n’a jamais vraiment cessé de l’être. Elle parle des livres avec envie et passion et chez elle, continue d’empiler des piles de livres qui sûrement s’écroulent parfois et elle dévore le soir ces bouquins dont nous parlons la journée.

Noëlle les connaît tous ces colporteurs de mots qui s’arrêtent dans cet hôtel le temps d’une nuit et elle sait de nous les lectures qu’il ne faut pas manquer. Chambre 229, c’est là que je dors à Bourg-en-Bresse et c’est là que je lis dans les nuits fraîches ou dans les nuits chaudes. Ce soir, en arrivant, comme à chaque fois, Noëlle veut connaître mes dernières lectures et mes coups de cœur et je lui parle des épreuves que je viens de lire.

Je ne lui parle que des livres que j’ai aimés et ce soir, il est question d’Yves Ravey. Je viens de terminer la lecture de « Bambi Bar » que les Editions de Minuit publieront en janvier. Et à Noëlle qui m’a déjà tendu en bonne réceptionniste d’hôtel les clefs de ma chambre, je dis tout l’enthousiasme que j’ai eu en savourant ce petit livre pas encore fabriqué. « Bambi Bar » est de ces livres dont on tourne la dernière page en se disant que non, « pas tout de suite », « pas déjà », de ces livres qu’on referme avec tristesse parce que c’était bien et que c’est déjà fini, de ces livres qu’on repose en se promettant de dire à tout le monde de le lire. C’est ce que je fais à l’instant même à la réception de mon hôtel.

« J’adore Yves Ravey » me dit Noëlle et la surprise, je l’ai au matin au moment de régler ma note. Noëlle avait ramené de sa bibliothèque un autre Ravey que je ne connais pas encore. « Pudeur de la lecture » publié aux Solitaires Intempestifs (maison d’édition sise à Besançon) parle des livres et de la lecture, des bibliothécaires et des libraires, de quelques auteurs et des pages que l’on corne. Je note la référence de ce nouveau livre à lire, paye ma chambre, reprends la route, visite des libraires du côté de Mâcon et de Chalon avant de repartir vers Les Sandales d’Empédocle à Besançon.

Je voulais être là ce soir pour entendre à nouveau Philippe Fusaro parler de son « Palermo Solo ». J’y rencontre un autre écrivain de La Fosse aux Ours, Christophe Fourvel que j’ai découvert grâce aux conseils avisés de quelques bons « passeurs de textes », Fusaro bien sûr mais aussi Anne-Marie Carlier, aujourd’hui libraire à Niort et Christophe Grossi, autre ancien des Sandales qui travaille désormais pour l’éditrice Sabine Wespieser.

Fourvel sait que j’aime ses textes et les colporte clandestinement, la rencontre est belle et inattendue. « Pudeur de la lecture » ! Hasard des rencontres et de la vie comme elle va, il y a du Ravey dans toute cette journée et la libraire, Elisabeth Cerutti, me présente Sylvain qui travaille justement pour Les Solitaires Intempestifs. J’ouvre une page de ce Ravey-là et lis « C’est cela le livre, ça vous abandonne à des souvenirs inclassables, ça vous met dans des états fiévreux »…

Je lis et reprends la route.

« Le fleuve des mots vous emporte ». Et la nuit avec.

Pascal DIDIER
(Représentant de la Diffusion Seuil dans l’Est de la France)

Palermo solo Le plaisir de la lecture

Sur les lieux du crime

Chronique Les livres – Vues d’ailleurs

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Quand un libraire revient sur les lieux de son crime !
C’est un peu ce qui s’est joué ces derniers jours à la Librairie Quai des Brumes à Strasbourg (67) où réapparaissait Philippe Fusaro. Pendant huit ans, Philippe Fusaro a été un des piliers littéraires de cette librairie, défendant avec vigueur et enthousiasme ses « coups de cœur », avant de la quitter en 2005 pour trouver ou plutôt retrouver le temps d’écrire.

Car Fusaro est aussi auteur, de nouvelles et de récits souvent très poétiques et d’un premier roman « Le colosse d’argile » sorti en 2004 à La Fosse aux Ours. Le petit succès de ce roman dû au bel accueil et au soutien actif de quelques libraires [ici-exemple]et d’une bande de lecteurs passionnés a incité Fusaro à récidiver. En quittant Quai des Brumes et les rues strasbourgeoises, Philippe Fusaro a pris le large vers le sud de l’Italie, à Lecce dans les Pouilles, pour une année sabbatique consacrée à l’écriture. De ce fond d’Italie, son imagination et sa plume sont allées se trimballer pas très loin, du côté de la Sicile et de Palerme, où Philippe a mis ses pas dans ceux d’un étrange Baron.
« Palermo solo » est le titre du nouveau roman de Philippe Fusaro, sorti cet automne – toujours à La Fosse aux Ours – et qu’il venait présenter, il y a quelques soirs chez Quai des Brumes, dans une librairie bourrée à craquer. « Palermo solo » est un des beaux romans de cette Rentrée Littéraire. Il raconte la surprenante aventure d’un homme – ce Baron si attachant – qui a vécu cinquante ans de sa vie dans la suite 204 du Grand Hôtel et des Palmes à Palerme. Fusaro nous embarque dans cette histoire avec ces petites touches de vraie poésie qui caractérise son écriture, un filet de suspens et cette magie baroque où se mêlent aventures et personnages avec parfois l’ombre d’Ava Gardner et de quelques grands écrivains italiens et des clins d’œil plus personnels, comme par exemple cette tendre et drôle évocation de Francis, le patron d’une librairie strasbourgeoise qui débarque un jour à Palerme pour la remise d’un prix littéraire.

Ce soir-là, chez Quai des Brumes, dans un coin de sa librairie, Francis Bernabé écoutait avec un certain bonheur Philippe Fusaro lire des extraits de ce « Palermo solo ». Et c’est une habituée de la librairie qui résumait le mieux ce qu’il y avait à dire de tout cela : « Il a bien grandi notre petit libraire » !

[Pascal DIDIER – Représentant de la Diffusion Seuil dans l’Est de la France]
Philippe Fusaro vit à nouveau en France. Il est aujourd’hui libraire à Lyon, chez Passages, et profite de ses jours de congés pour aller présenter son livre dans les autres librairies.Philippe Fusaro sera notamment le mercredi 24 octobre à 20 h 30 à la Librairie Les Sandales d’Empédocle à Besançon (25).